Le Festival du Regard de Saint-Germain-en-Laye désire développer la singularité et la richesse des écritures photographiques.
Sylvie Hugues, co-directrice artistique de cette deuxième édition précise : A l’heure où les images sont de plus en plus virtuelles, où la plupart d’entre elles sont regardées rapidement sur des écrans avant d’être jetées, transférées et souvent aussitôt oubliées, il m’a semblé nécessaire de mettre en valeur la matérialité de la photographie. Une photographie n’est pas qu’une image, elle est aussi un objet « physique » à travers son tirage, son impression, son encadrement, son mode de présentation. C’est tout ce travail artistique autour des « supports » qui m’a guidé dans le choix des artistes présentés.
Cette matérialité de l’oeuvre photographique réunit le travail d’auteurs français contemporains : Stéphane Couturier, Coco Fronsac, Gilbert Garcin, Jean-Claude Gautrand, Bogdan Konopka, Stéphane Lagoutte, Sarah Moon, Georges Rousse et Sophie Zénon.
Ce que j’ai particulièrement aimé :
Coco Fronsac arpente chaque week-end ou presque les marchés aux puces, en quête de vieilles photos de famille que les aléas des histoires individuelles ont abandonnées à d’autres mains. Au fil des ans, elle a constitué une collection toujours renouvelée de portraits photographiques anciens, le plus souvent anonymes, datant de la fin du XIXe et de la première moitié du XXe siècle, qu’elle intégre à son imaginaire de plasticienne.
En mariant par le fil des photographies d’anonymes, Coco Fronsac construit des liens de parenté et créé une sorte d’arbre généalogique imaginaire. Quelques points de crochet et elle tisse toute une vie, construit un passé, une mémoire, telle une brodeuse d’histoires.
La photographie de Bogdan Konopka, toujours en noir et blanc, est une quête incessante pour saisir l’âme d’un lieu et la mémoire d’un instant. Pour cela il se sert d’une chambre photographique et effectue ses propres tirages directement par contact sur le papier photosensible. Il en résulte des images de 10×12,5 cm.
Inédite, la série présentée intitulée « La petite robe » a été réalisée entre 2011 et 2014 à partir d’une robe trouvée dans une forêt.
Entre le fantômal et le symbole, entre la résurgence d’une âme et l’aura d’une présence, s’offre cet ensemble sublime de petites robes de Bogdan Konopka : quatorze icônes de sels d’argent pour vous amener au seuil d’un imaginaire où le souffle rencontre la vie qui fut, la vie qui continue, celle enfin qui demeure au plus profond de nous écrit Michelle Debat, critique d’art.
Sophie Zénon développe un univers personnel où l’expérimentation occupe une place centrale. Pour chaque nouvelle recherche, elle fait appel à un outil photographique différent, à une technique de tirage spécifique ou à un support particulier. Ainsi naissent de somptueuses matières, des objets uniques, des installations ou encore des livres d’artiste, tous riches en émotions.
Sa démarche artistique se concentre depuis la fin des années 2000 sur la disparition, sur la mise en scène photographique de l’absence, sur notre rapport au corps après la mort, à la filiation.
Le Festival du Regard présente trois œuvres récentes de Sophie Zénon, une pièce unique « Le Corps à vif » (dont j’ai déjà parlé ici même en octobre 2014) ou, à partir des codes religieux du retable, elle met en scène le corps fragmenté, la maladie mais aussi la guérison ; deux livres d’artiste « Le Grand livre de Palerme » (2012), sorte d’album de famille imaginaire et baroque et un inédit « Verdun, ses ruines glorieuses » (2013). Dans ce dernier, Sophie fait dialoguer des extraits du texte « La Bataille d’Occident » d’Éric Vuillard, des monotypes et des archives photographiques de la Première Guerre mondiale et des années 1920 (cartes postales de soldats allemands et français, monuments à la gloire de Verdun). Corps morcelés, recompositions de visages qui évoquent les « gueules cassées », monotypes aux noirs profonds en écho à l’univers sombre des tranchées, résonnent entre eux pour dénoncer l’absurdité de la guerre.
Bâtiment Henri-IV / Maison du festival – Jardin des Arts
Georges Rousse investit alors des lieux abandonnés qu’il affectionne depuis toujours pour les transformer en espace pictural et y construire une oeuvre éphémère, unique, que seule la photographie restitue.
C’est en découvrant la vaste enceinte du Manège royal, immense espace remarquable par sa magnifique charpente en bois en forme de coque de bateau renversée, que Georges Rousse a eu envie de montrer, pour la première fois, des travaux anciens peu connus ainsi que deux oeuvres très récentes pour faire un lien avec le présent.
Les images sont tirées en très grand format de 4×3 mètres par Franck Bordas et disposées dans une scénographie imposante qui permet au spectateur de plonger dans l’oeuvre.
Manège royal – place Royale
Jusqu’au 15 juillet
Du mardi au dimanche : 10h30-18h30
78100 Saint-Germain-en-Laye
http://www.festivalduregard.com