Le talent de Marco Barbon, photographe italien que je suis depuis longtemps, s’affirme et se confirme d’année en année.
Pour sa deuxième exposition à la galerie Clémentine de la Féronnière, il présente une nouvelle série réalisée à Tanger, intitulée The Interzone, en hommage au livre de William Burroughs, romancier et artiste américain associé à la Beat Generation.
Depuis que j’ai commencé à photographier, je me suis toujours intéressé à la notion de frontière. Il était donc fatal qu’un jour j’en arrive là, à Tanger, ville frontière par excellence. D’abord géographiquement : carrefour et frontière entre le Nord et le Sud, l’Est et l’Ouest, l’Europe et l’Afrique, la Méditerranée et l’océan Atlantique… Mais surtout métaphoriquement, symboliquement : frontière entre le réel et le fictionnel. Tanger la ville mythe, la ville théâtre, la ville cinéma. Et aussi : la ville arnaque, la ville contrefaçon…
C’est ce « scénario entre réalité et fiction », ce « décor de cinéma » que j’ai tenté de porter à l’image dans ce travail qui m’a absorbé pendant cinq ans… La ville que j’ai photographiée – que j’ai voulu évoquer avec mes images – n’existe pas. Ou pour mieux dire : elle existe au croisement entre la ville réelle, celle que j’ai réellement parcourue, et l’image de Tanger que je porte en moi, nourrie de mythes, de récits littéraires et cinématographiques …
Maison dans le quartier de San Francisco 2015
En approchant Tanger avec mon appareil photographique, j’ai suivi le conseil d’un Tangérois célèbre, Tahar Ben Jelloun : « Il faut survoler la ville et laisser la mémoire fabuler. » J’ai choisi alors d’arpenter la voie négative, celle de l’absence, qui fait signe vers ce qu’on ne voit pas et qui pourtant est tellement présent… Ne pas tout dire, donc. Suggérer, plutôt. Laisser l’image respirer, « la mémoire fabuler ».
Mes images sont expressément incomplètes. Elles présentent des indices qui renvoient à ce qui se trouve hors champ. Du fait de leur pauvreté visuelle, elles demandent à être complétées par le regard du spectateur.
Toutes ces photos montrent, si l’on peut dire, le vide. Le vide en tant que lieu d’un possible événement, d’un scénario imaginaire. Les lieux photographiés, dans leur singularité irréfutable, étant différentes déclinaisons de la scène où tout peut se passer (où rien ne se passera). D’où le sentiment de mélancolie qui en découle parfois : c’est la mélancolie de la fin du spectacle, de l’après-coup. Les jeux sont faits…, s’ils ne sont pas toujours à faire, ou à refaire.
Marco Barbon, avril 2017
Comme dans ses précédents travaux sur Asmara et Casablanca, Marco Barbon a une approche photographique du paysage urbain qui s’écarte de la simple documentation pour dessiner un portrait imaginaire.
En une vingtaine de magnifiques tirages, Marco Barbon exprime tout le « vécu » de cette ville mythique. A voir absolument.
Un beau livre a été édité à cette occasion avec un texte français/anglais de Jean-Christophe Bailly.
Prix 40 €
The Interzone, Tanger 2013-2017
En partenariat avec la Deuxième édition de la Biennale des photographes du monde arabe contemporain
Jusqu’au 12 novembre 2017
Galerie Clémentine de la Féronnière
51, rue Saint-Louis-en-l’île, 2e cour, 75004 Paris
Du mardi au samedi de 11h à 19h
Entrée libre