Le Musée national de l’histoire de l’immigration présente, du 10 novembre 2015 au
29 mai 2016, une exposition inédite et passionnante pour comprendre le rôle et les enjeux contemporains des frontières dans le monde et retracer les histoires singulières de ceux qui les traversent aujourd’hui.
Photographies contemporaines, cartes géographiques, objets de mémoire, oeuvres d’art, articles de presse, vidéos, témoignages, oeuvres littéraires et récits de migrants, composent un parcours thématique qui offre des clés de compréhension et propose aux visiteurs d’explorer ces problématiques contemporaines dans le monde et plus particulièrement en Europe et en France.
2 photographes qui me sont chers figurent dans cette belle exposition. Tous deux ont travaillé sur la Méditerranée, frontière séparant les populations du sud de celles de l’Europe. De plus en plus de migrants tentent de passer en Europe, et le prix à payer s’alourdit d’année en année : racket et violences dans les pays du Sud traversés, montant exorbitants demandés par les passeurs et les réseaux maffieux, corruption, viols… Et surtout la mort. Car c’est souvent au péril de leur vie que les migrants tentent l’aventure, parce qu’ils n’ont rien à perdre ou que leur vie est menacée. On estime à plus de 10.000 le nombre de morts en méditerranée depuis 1998, 15.000 pour l’ensemble des frontières de l’Europe. Pour la seule année 2015, ce chiffre atteindrait 3000 morts en 8 mois.
Sarah Caron, dont je propose ici des expositions en location.
Sa série photographique Odyssée moderne, 2001-2004 raconte l’histoire de la traversée du désert du Sahara par les subsahariens pour rejoindre l’Europe. « J’ai réalisé cette série à partir de 2001, sur un chemin très utilisé à l’époque, entre Agadez au Niger et le sud algérien », explique la photographe. « Entre eux, les voyageurs s’appelaient des « aventuriers » et non des clandestins ou des immigrés. C’était souvent un parcours initiatique. Ils quittaient leur maison à 16-17 ans. Le voyage, en lui-même, représentait un parcours de vie car cela pouvait prendre des années pour arriver en Europe, s’ils y arrivaient. Sur les trois photos de la série exposées ici, la première montre deux jeunes garçons à Agadez dans une petite maison qu’ils louaient à plusieurs. Ils faisaient des petits boulots pour pouvoir payer les passeurs. Ils s’étaient préparés pour le voyage et avaient mis leurs costumes. L’un d’eux m’avait dit : « Je veux arriver élégant à Paris ». La seconde photo, montre le départ de nuit avec les passeurs à Agadez. La dernière photo représente l’arrivée à Melilla, dans l’enclave espagnole au Maroc. »
Sarah Caron, Odyssée Moderne. Voyage avec les migrants clandestins du Sahara à la Grande Bleue. 2001-2004. Melilla. Arrivée dans l’enclave espagnole de Salomon qui a mis sept ans pour rejoindre l’Europe.
Bruno Boudjelal, lauréat du Prix Nadar Gens d’images 2015
A l’entrée de l’exposition, l’oeuvre vidéo Harragas de Bruno Boudjelal immerge d’emblée le visiteur dans le contexte des migrants qui traversent la mer. Le terme « Harraga » qui signifie « brûleurs de frontières » désigne les personnes qui quittent le Maghreb et traversent à bord d’embarcations de fortune la Méditerranée pour rejoindre l’Europe. Afin de ne pas être reconduits à la frontière, ils « brûlent » leurs papiers et se présentent comme des « sans-papiers ». L’oeuvre vidéo Harragas a été constituée à partir de vidéos prises par des harragas eux-mêmes avec leur téléphone portable lors de leur traversée en bateau. Elle s’inscrit dans un travail plus global de l’artiste Bruno Boudjelal, qui s’appuie sur des séjours en Algérie, son pays d’origine qu’il ne connaît pas et découvre à cette occasion. De 1993 à 2003, il travaille sur la quête de son identité et de sa famille, et de 2009 à 2013, sur son rapport au territoire. La vidéo Harraga appartient à cette seconde période de création. Bruno Boudjelal souligne « l’importance des retours-détours, de la quête de ses origines, pour être mieux ici [en France]. »
Ce travail est reproduit dans le livre édité par Le Bec en l’air qui vient de recevoir le Prix Nadar 2015 : Algérie, clos comme on ferme un livre ?
Harragas, Bruno Boudjelal, 2011 vidéo, 5’ (en boucle)
Jusqu’au 29 mai 2016
Musée de l’histoire de l’immigration – Palais de la Porte Dorée
293, avenue Daumesnil – 75012 Paris
Du mardi au vendredi, de 10h00 à 17h30.
Le samedi et le dimanche, de 10h00 à 19h00.
Fermé le lundi et les 25 décembre, 1er janvier, 1er mai.