Je connais Ambroise depuis une dizaine d’années et la qualité de son travail nous avait convaincu d’organiser sa première exposition personnelle début 2007 à la galerie Chambre avec Vues. Elle réunissait une vingtaine de photographies, souvent réalisées de nuit, de Paris, Pékin, Chicago, Las Vegas et Bombay.
C’est d’ailleurs étonnant que je n’aie pas déjà publié un article sur lui tant je le considère comme l’un des photographes les plus doués de sa génération.
Son dernier livre I was here, tourisme de la désolation a été publié en 2014 par Actes Sud et Dewi Lewis Publishing. Ce projet photographique visant à illustrer le tourisme macabre dans le monde à travers 12 sites, sera exposé cet été aux Rencontres de la photographie d’Arles.
Ambroise Tézenas évoque des lieux marqués par la tragédie qui font aujourd’hui l’objet de visites guidées. Le phénomène, connu dans le monde anglo-saxon sous le nom de dark tourism, s’enracine dans la fascination que provoque chez nous cette capacité qu’ont les êtres humains à faire le mal ainsi que dans notre goût pour la vision des séquelles de l’horreur. Tremblements de terre, tsunamis, catastrophes industrielles, zones sinistrées ou miséreuses constituent autant de destinations dont la découverte est à même de combler la curiosité ambiguë d’un nombre croissant d’amateurs. S’interrogeant sur cette réalité nouvelle, Ambroise Tézenas a entrepris un long travail d’enquête sur ce sujet. Du massacre d’Oradour-sur-Glane en 1944 aux ruines qu’a laissées derrière lui le tremblement de terre de la province chinoise du Sichuan en 2008, Ambroise Tézenas traverse le XXème siècle. « Ici, on vient vérifier un cauchemar », résume-t-il laconiquement.
Sichuan Wenchuan earthquake ruins tour – China.
Mon travail autour du tourisme mordide a débuté suite à une expérience personnelle au Sri Lanka au moment du Tsunami. Ma femme et moi étions parmi les premiers spectateurs du chaos, entre Colombo et Gallé, sur le site de Telwatta. Un train a été balayé par les flots. Il y a eu plus de 2000 morts sur ce lieu.
Quelques temps après, un article de presse relatait que le train laissé en l’état était devenu un lieu de pèlerinage et de visite. Parmi les ‘’spectateurs’’, il y avait évidemment ceux qui venaient réaliser un travail de deuil et puis d’autres visiteurs attirés par ce lieu comme monument touristique.
L’attrait pour le morbide n’est pas nouveau mais aujourd’hui il implique l’industrie du tourisme et un phénomène de masse. Des universitaires, sociologues, psychologues se penchent sur cette question et moi, en tant que photographe également.
Né en 1972, Ambroise Tézenas vit et travaille à Paris. Il est diplômé de l’École de Vevey (Suisse) en 1994. À partir de 2002, il ouvre son travail à des projets publicitaires et poursuit en parallèle des recherches personnelles sur la mise en scène et le paysage. En 2006 il reçoit le Leica European Publishers Award for Photography pour son livre « Pékin, théâtre du peuple ». Une exposition issue de cet ouvrage a été présentée à Angkor, Pékin, Bruxelles et Rotterdam ainsi qu’aux Rencontres d’Arles.
Il collabore régulièrement avec la presse française et internationale, dont le New York Times Magazine, le New Yorker, TIME, et le T magazine.
Du 6 juillet au 20 septembre
Grande Halle, parc des Ateliers à Arles
Publication : Tourisme de la désolation, Actes Sud, 2014.