Sur l’invitation de Yuki Onodera, je me suis rendue mardi dernier à son vernissage à la Maison Européenne de la Photographie. Lauréate du Prix Niépce Gens d’images en 2006, nous avions eu le bonheur de l’exposer à la galerie Chambre avec Vues la même année. Yuki m’a d’ailleurs fait remarquer que l’an prochain, cela ferait dix ans … le temps passe si vite !
Yuki Onodera se pose la question de savoir ce qu’est la photographie et ce que la photographie peut faire ; cette réflexion la conduit à une pratique insolite qui dépasse le cadre de la “simple” photographie, elle est reconnue pour ses travaux originaux.
Chaque photographie de Yuki est le résultat de petits décalages volontaires insérés dans le circuit de l’information. Elle accède ainsi à d’autres niveaux de réalité, les enjeux de la perception constituant l’essence même de sa démarche.
Sous le titre Décalages, la Maison Européenne de la Photographie présente trois séries de l’artiste : Transvest, Eleventh Finger, ainsi que Muybridge’s Twist, un travail inédit dans la lignée directe de ses recherches précédentes.
Le titre de cette série, entamée en 2013, fait référence à Eadweard Muybridge, le photographe britannique du 19ème siècle entré dans l’histoire avec ses instantanés qui décomposent le mouvement. En la réalisant, je pensais aux tableaux Futuristes, qui expriment l’idée du mouvement en répétant sans cesse les mêmes gestes. Je souhaitais réunir dans une seule figure, des images de plusieurs corps dans des positions anormales et tordues (en anglais, twisted), des poses qu’on ne voit jamais dans la vie, comme une chorégraphie.
J’ai rassemblé des images de mannequins dans des postures exagérées, que j’ai ensuite découpées en plusieurs morceaux ; des représentations de mon propre corps en mouvement y sont également cachées. J’ai photographié tous ces éléments destructurés pour les recomposer et les rephotographier plusieurs fois encore, réalisant enfin de nouvelles compositions dont plusieurs éléments sont collés sur toile.
Y.O.
Ces nouvelles créatures flottent dans l’espace comme les figures de la série Transvest ou comme les tout premiers Portraits de fripes. Toujours aussi déroutante, Yuki !
L’exposition la plus importante de la MEP est consacrée à Harry Gruyaert, l’un des photographes les plus talentueux de l’agence Magnum. C’est la première rétrospective dédiée à ce photographe belge, grand maître de la couleur.
C’est l’image, la couleur, la matière, la lumière qui ont orienté François Hébel pour la sélection des photographies de cette exposition en dehors de toute logique thématique ou géographique. Une véritable réussite et quelle bonne idée de laisser la lumière du jour inonder les salles !
Enfin j’ai découvert le travail de Lydia Flem, jusqu’ici connue comme écrivain et psychanalyste, mais, je l’avoue, totalement inconnue pour moi. Devenue photographe en 2008 pour pallier le manque de mots, elle conjugue littérature et photographie à la recherche de l’intime, de la mémoire, en mettant en scène des objets personnels et des archives, notamment dans l’émouvante série Pitchipoï & Cousu main.
A voir absolument.
Sans oublier la salle Denis Darzacq, lauréat du Prix Niépce Gens d’images en 2012, qui présente Act & Comme un seul homme. La question de la place de chacun dans la société est au cœur de son travail. Dans la série Act il met en scène des corps de personnes handicapées dans un cadre donné. En résultent des situations surprenantes d’équilibre, d’assurance, d’opposition …
Jusqu’au 14 juin
Maison Européenne de la Photographie
5/7 rue de Fourcy – 75004 Paris
Du mercredi au dimanche de 11h à 20h