La Maison de l’Amérique latine à Paris présente actuellement une exposition inédite, intitulée L’Invention de Morel – La machine à images, conçue par et sous le commissariat de Thierry Dufrêne à partir du roman L’Invention de Morel de l’écrivain argentin Adolfo Bioy Casares (1914‐1999), ami et compagnon de lettres de Jorge Luis Borges.
En réunissant des oeuvres de toute nature ‐ photographies, installations, vidéo‐projections, hologrammes, oeuvres cinétiques ou encore bande‐dessinée… ‐ de quinze artistes venus de différentes parties du monde, celle‐ci met en lumière l’influence majeure qu’exerça ce roman d’anticipation sur plusieurs générations de créateurs.
Sans être une illustration de l’oeuvre littéraire de Bioy Casares, l’exposition entend provoquer chez le visiteur les mêmes questionnements que ceux auxquels se trouve confronté le personnage du fugitif dans le livre paru en 1940 : quelle est la réalité des images, qu’est‐ce que l’immatérialité, peut‐on être amoureux d’une image ?
J’ai découvert à cette occasion ce livre que je qualifierais de « surréaliste », entre conte philosophique et aventure de science-fiction.
Stéphanie Solinas (née en 1978 en France, elle vit et travaille à Paris, pensionnaire cette année de la Villa Médicis à Rome), a particulièrement retenu mon attention.
Rappelons que la Maison de l’Amérique latine, hôtel de Varengeville, était la maison de la famille Charcot au XIXe siècle et que Jean-Baptiste Charcot était le fils du célèbre neurologue Jean-Martin Charcot.
Coïncidence, Stéphanie Solinas y présente Le Pourquoi Pas? , un travail hanté par l’esprit de l’explorateur polaire qui a fait naufrage au large des côtes islandaises en 1936.
Le Pourquoi-Pas ? – Le Polar Gentleman 2014-2018 est une série de 5 photographies reproduisant des pages de l’ouvrage de Marthe Emmanuel paru en 1945 et Le Pourquoi-Pas ? – Equivalences 2014-2018 est une série de 66 magnifiques cyanotypes évoquant des ciels intemporels.
© Stéphanie Solinas – Le Pourquoi Pas ? équivalences, 2014‐2017
Et si, pour Stéphanie Solinas, l’Ile de Morel était l’Islande ? Découvrant la similitude de l’île islandaise «renversée» avec un cerveau humain, elle élabore un parallèle entre le territoire physique parcouru par le fils Charcot et le territoire de la pensée révélé par son père. Montrer, regarder, voir se compose d’une série de moulages en plâtre des index des «informateurs» de l’artiste et de cartes géographiques et mentales associées.
Un travail troublant : où est la réalité, où est le monde l’esprit ?
Par ailleurs, j’ai beaucoup apprécié l’œuvre de Michel Bret et Edmond Couchot Les Pissenlits, 1990. C’est un dispositif interactif qui aborde le rapport entre l’art et la technologie. Grâce à un logiciel d’images de synthèse réagissant au son, le spectateur devient acteur et donne vie à l’oeuvre. Un simple souffle fait voler les fleurs de pissenlits comme la devise de Larousse Je sème à tout vent. je rappelle que Larousse est l’éditeur de notre livre sur Charcot paru en septembre dernier : L’aventure des pôles, Charcot explorateur visionnaire.
Et la boucle est bouclée !
Autres artistes exposés Luc Courchesne, Jean‐Louis Couturier (A.Jihel‐JLC), Frédéric Curien/Jean‐Marie Dallet (Sliders‐ Lab), Nicolas Darrot, Leandro Erlich, Masaki Fujihata, Piotr Kowalski, Julio Le Parc, Rafael Lozano‐Hemmer, Jean‐Pierre Mourey et enfin Pierrick Sorin et son théâtre optique spécialement réalisé pour l’exposition.
À cette occasion, un bel ouvrage avec le texte intégral du roman est publié aux Éditions Xavier Barral
288 pages, 20,5 x 13,5, environ 70 illustrations, 32€.
A voir jusqu’au 21 juillet
Maison de l’Amérique latine
217 Boulevard Saint‐Germain – 75007 Paris
Du lundi au vendredi de 10 à 20h, samedi de 14h à 18h
Fermé les dimanches et jours fériés
Entrée libre